Lettre "C"
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CANTABIT VACUUS CORAM LATRONE VIATOR
Le voyageur qui n'a rien passera en chantant devant les voleurs.
Juvénal (sat. X, v. 22) parle des voeux des mortels, dont le but constant est l'argent. « Et pourtant, dit-il, rien n'est plus dangereux que la possession de ces trésors qui ont déjà causé tant de maux. Voyagez-vous la nuit avec le moindre vase d'argent, vous craindrez le poignard d'un assassin ; l'ombre d'un roseau agité au clair de la lune vous fera trembler, tandis que le voyageur dont la poche est vide, passera en chantant devant les voleurs. »

CAPUT MORTUUM
Tête morte.
Expression dont se servaient les alchimistes pour désigner le résidu non liquide de leurs analyses. Le nom de caput mortuum venait de ce que, dans leur langage figuré, ils comparaient ces résidus à une tête de laquelle la distillation avait enlevé l'esprit.
Un orateur moderne a transporté ce mot dans le langage parlementaire, en l'appliquant à ce qu'on a coutume d'appeler la queue des partis, c'est-à-dire chose nulle, réduite à néant.
De même qu'on trouve entre les partis et au-dessous d'eux une espèce de caput mortuum de la société, on trouve entre les partis et au-dessus d'eux l'élite de l'humanité.
J. DROZ
M. l'abbé Mignot, frère de madame Denis et, par conséquent, neveu de M. de Voltaire, vient de publier une histoire de l'empire ottoman. Ce neveu n'est pas le premier homme du siècle après son oncle ; il est un peu épais ; l'oncle, s'étant emparé de toute la matière subtile, ne lui a laissé que le caput mortuum.
GRIMM
Correspondance littéraire
Les éclectiques n'ont rien reconstruit ; ils ont pris à la tradition du dix-huitième siècle ce qu'il ne fallait pas lui prendre, ce qui n'est jamais fécond, une forme, vrai caput mortuum que les siècles abandonnent en cessant d'être, comme la dépouille mortelle que nous confions à la terre en mourant, et ils ont délaissé l'esprit que cette forme recélait.
Pierre LEROUX
Réfutation de l'éclectisme
La classe des indigents est en France une sorte de caput mortuum que l'industrie, et surtout l'industrie manufacturière, prend à son service quand elle a besoin de bras, et qu'elle abandonne sans pitié quand elle n'en a plus besoin.
Pierre LEROUX
De la Ploutocratie
Lisez la réponse de Locke à l'évêque de Worcester ; vous y sentirez je ne sais quel ton de hauteur mal étouffée, je ne sais quelle acrimonie mal déguisée, tout à fait naturelle à l'homme qui appelait, comme vous savez, le corps épiscopal d'Angleterre le caput mortuum de la chambre des pairs.
Joseph de MAISTRE

CARCERE DURO
Dans le dur cachot.
En Autriche, dans la forteresse du Spielberg, subir le carcere duro, c'est être obligé au travail, porter une chaîne aux pieds, dormir sur des planches nues et vivre de la plus pauvre nourriture qu'on puisse imaginer. Subir le carcere durissimo, c'est être enchaîné d'une façon plus horrible encore, avec un cercle de fer autour des reins, et la chaîne fixée à la muraille de telle sorte qu'on a grand' peine à se traîner autour de la planche qui sert de lit.
Il paraît dans l'Univers une série d'articles sur M. de Metternich, ce représentant surfait de la fourberie diplomatique. M. de Metternich cherche à prouver que dans le beau livre de Silvio Pellico il y a du mensonge et de la trahison, que le carcere duro est la moindre des choses, que la chaîne portée par les prisonniers, de la ceinture à la cheville du pied, est une breloque qui ne fatiguerait pas un enfant.
É de la BÉDOLLIERE
...A la fin, un semblant de jugement paraît, avec une indication sommaire du fait incriminé, dont l'existence n'a d'autre preuve que l'assertion des hommes méprisables qui ont signé la sentence ; alors on fait sortir les martyrs de leurs souterrains et l'on en envoie une grande partie en Allemagne pour subir le carcere duro.
MANIN
Sous le règne d'Élisabeth. on entassait les jésuites et les prêtres dans le château de Wisbick. On les déclarait complices ou espions de Philippe Il, et, ignorés de tous, ils succombaient au fond du cacere duro anglais.
Crétineau JOLY
Admirez cet homme... il revient de la tombe, il revient du carcere duro, il revient du Spielberg, du Spielberg, où l'on monte par I'échafaud !
J. JANIN
Le fort du Spielberg, la plus rigoureuse prison d'Autriche, renferme à peu près trois cents prisonniers, la plupart assassins ou voleurs. Les uns sont condamnés à ce qu'on appelle carcere duro, les autres au carcere durissimo.
BELLAGUET

CARPE DIEM QUAM MINIMUM CREDULA POSTERO
Mets à profit le jour présent sans croire au lendemain (HORACE, liv. I, ode XI, v. 8).
« Hâte-toi de jouir du jour présent, sans compter sur demain. » Le poète épicurien, dans ses leçons de morale facile, aime à rappeler souvent que la vie est courte, et qu'il faut se hâter d'en jouir. Il adresse ce conseil à Leuconoé.

La Fontaine se rencontre avec Horace :
Ne dira-t-il jamais : C'est assez, jouissons ?
Hâte-toi, mon ami, tu n'as pas tant à vivre ;
Je te rebats ce mot, car il vaut tout un livre ;
Jouis. - Je le ferai. - Mais quand donc ? - Dès demain.
- Eh, mon ami, la mort te peut prendre en chemin,
Jouis dès aujourd'hui.

Ah ! mon cher marquis, la vie est si courte ! Croyez-moi, jouissez-en ; carpe diem, parbleu ! comme dit Horace, mon poète favori.
Alexandre de LAVERGNE
Horace, qui a si profondément compris la doctrine philosophique d'Épicure, ne l'a rendue poétique qu'en la teignant de volupté : le carpe diem revient sans cesse sous sa plume.
Pierre LEROUX
Humanité
Il y a dans les qualités de l'homme, comme dans tout ce qui tient à la nature humaine, une sorte de fatalité. L'essentiel, quand on les possède, n'est pas tant de les mettre en oeuvre que de savoir les contenir et les employer à propos : Carpe diem.
X. MARMIER
Lettres sur la Hollande

CARPENT TUA POMA NEPOTES
Tes arrière-neveux cueilleront ces fruits (VIRGILE, égl. IX, v. 50).
Va greffer tes poiriers, Daphnis ; cet astre heureux
Promet des fruits encore à tes derniers neveux.
Traduction de TISSOT

L'homme ne doit pas seulement penser au présent et à lui-même; mais aussi à l'avenir et aux générations futures. La Fontaine met cette pensée du poète latin dans la bouche du vieillard qui répond aux trois jeunes hommes : Mes arrière-neveux me devront cet ombrage.

Il y a longtemps que le vieux solitaire n'a écrit à son grand et très cher philosophe. On lui a mandé que vous vous chargiez d'embellir une nouvelle édition de I'Encyclopédie ; voilà un travail de trois ou quatre ans, carpent tua poma nepotes
VOLTAIRE
A d'Alembert

CASTIGAT RIDENDO MORES
La comédie châtie les moeurs en riant.
Voici l'origine de cette devise de la comédie :
Il y avait longtemps que Dominique, arlequin des Italiens, désirait avoir du poète Santeuil une épigraphe pour mettre sur la toile de son théâtre ; mais, comme le héron de la fable, le poète a ses heures, et Dominique ne pouvait rien obtenir. Il s'affuble un jour de son habit de théâtre, prend un sabre de bois, s'enveloppe de son manteau, se met à courir autour de la chambre en faisant mille lazzis et différentes postures de caractère. Santeuil, surpris, arrête brusquement le comédien, et le serrant de près : « Je veux que tu me dises qui tu es ? - Je suis le Santeuil de la comédie italienne. - Et moi, reprit le poète, qui reconnut Dominique à l'expression originale de ses attitudes, l'arlequin de Saint-Victor. » Le poète répond aux singeries de l'acteur par des grimaces et des contorsions. Ils finissent leur farce par s'embrasser. Ce fut ce moment de verve et de bonne humeur que le comédien saisit pour obtenir du poète l'épigraphe si connue, qu'on lit encore sur la toile de quelques théâtres : Castigat ridendo mores.
Ce qu'on dit de la comédie, castigat ridendo mores, est plus vrai encore de la fable. Sous des formes variées, attrayantes, elle a toujours servi de guide aux hommes.
Anatole de LA FORGE
On vient nous répéter que la comédie corrige en amusant : Castigat ridendo ; il me semble bien plus évident qu'elle amuse sans corriger, quand toutefois elle amuse.
Revue de Paris
Cela fâchait le grand évêque de Meaux qu'on appelât le théâtre l'École des moeurs, et il avait boudé Santeuil pour sa fameuse inscription : Castigat ridendo mores.
J. JANIN
Je n'ignorais pas que la comédie châtie les moeurs en riant : Castigat ridendo mores. J'ai donc ri avec tout le monde, mais en trouvant pourtant qu'il serait plus vrai de dire de la comédie qu'elle corrompt les moeurs en riant.
TOPFFER
Le grand nombre de gens qui vont à la Bourse prouve que les livres, les réquisitoires et les romans de moeurs ne sont pas aussi efficaces qu'on aurait pu le croire pour corriger les travers d'une nation ; le résultat tend même à faire douter de la vérité de cette vieille devise de la comédie : Castigat ridendo mores. Il est vrai que toutes les comédies ne font pas rire, fussent-elles en cinq actes et en vers.
Le Siècle

CASUS BELLI
Cas de guerre.
Se dit d'un acte qui peut provoquer les hostilités entre deux peuples. L'insulte faite par un souverain à l'ambassadeur d'une puissance étrangère est toujours un casus belli.
La prétention de M. Barrot était que, dans le conflit entre l'Autriche et les différentes parties de l'ltalie, le casus belli prévu par les traités de 1815 ne se présentât pas ; mais que si les puissances étrangères intervenaient dans ce débat, en quelque sorte domestique entre l'Autriche et les autres États d'Italie, la France, de son côté, aurait des devoirs à remplir.
SARRANS
Histoire de la Révolution de 1848

CAVEANT CONSULES
Que les consuls prennent garde.
Formule par laquelle le sénat romain, dans les moments de crise sociale, investissait les consuls d'un pouvoir dictatorial. La formule était : Caveant consules ne quid detrimenti respublica capiat. « Que les consuls prennent garde que la république n'éprouve aucun dommage. »
Les deux plus solennelles conjonctures où le caveant consules ait été prononcé, c'est sous le tribunat des Gracques, au commencement des discordes civiles, et sous le consulat de Cicéron, après la conjuration de Catalina. En vertu de la doucereuse formule du sénatus-consulte, Catalina et les Gracques furent mis purement et simplement hors la loi, sans que la responsabilité des consuls courût aucun risque.

L'origine du caveant consules n'a point de date dans l'histoire romaine ; il est né de la force des choses, du principe supérieur aux lois positives sur lequel repose tout État : Salus populi suprema lex esto. (Que le salut public soit la loi suprême.)
La formule du sénat-consulte romain a son analogue dans cette lugubre exclamation qui se faisait entrendre quelquefois à la tribune de la Convention : Citoyens, la patrie est en danger !
Maintenant, le terrible caveant consules ! appliqué plaisamment à des riens est devenu une location proverbiale. Caveant consules ! c'est-à-dire prenez garde, veillez au grain, il y a péril en la demeure, à propos d'une bagatelle. C'est le contraste d'un mot de formidable mémoire appliqué à une chose frivole, qui en fait le piquant.

Nous avions dénoncé les Rebelles (roman du vicomte d'Arlincourt) à M. le procureur du roi ; mais si ce magistrat veut les saisir, il sera forcé d'instrumenter contre la troisième édition, car les deux premières sont déjà épuisées. On voit qu'il y a urgence : Caveant consules !
Revue de Paris
Quoi ! des associations de charité, des prières, le patronage d'un saint ! Caveant consules ! Cela rappelle l'Église et les moines.
L. VEUILLOT
Caveant consules ! Que l'Europe avise, non l'Europe catholique, anglicane, protestante ou grecque, mais l'Europe laïque, le pouvoir civil, seul dépositaire désormais des grandes vérités éternelles. Que ce pouvoir agisse au nom de Dieu, père de tous les hommes, sans aucune intervention des sectes religieuses.
L. JOURDAN
Adieu, mon cher maître, priez Dieu ne quid respublica detrimenti capiat, et ne négligez pas au moins d'écrire sur cet objet à tous les académiciens que vous en croirez dignes.
D'ALEMBERT à VOLTAIRE
Au capitole de Toulouse, les archives de la ville étaient gardées dans une armoire de fer, comme celles des flamines romains ; et le sénat gascon avait écrit sur les murs de sa curie : Caveant consules ne quid respublica detrimenti capiat.
MICHELET

CAVE NE CADAS
Prends garde de tomber.
Le triomphe était une du plus grandes solennités de l'ancienne Rome, et la plus brillante récompense qu'elle accordât à ses généraux vainqueurs. Le triomphateur (imperator), vêtu d'une tunique de pourpre, couronné de lauriers, et tenant en main un sceptre d'ivoire surmonté d'une aigle, s'avançait sur un char doré, au milieu d'un long cortège de citoyens qui le saluaient de leurs cris d'allégresse. Immédiatement derrière le triomphateur, pour rabattre son orgueil, un esclave, portant une couronne d'or, mêlait sa voix aux acclamations et faisait entendre des chants moqueurs et des paroles satiriques : Cave ne cadas, criait-il, prends garde de tomber !
Parmi les tumultes de sa passion satisfaite, elle entendait quelque chose de discordant comme le cave ne cadas que hurlait le goujat romain quand I'imperator se pavanait trop fièrement devant les acclamations de la multitude.
Fr. SOULIÉ

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