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SISTIMUS HIC TANDEM, NOBIS UBI DEFUIT ORBIS |
Nous nous sommes arrêtés quand la terre nous a manqué. | |
Regnard, notre poète comique, eut dans sa jeunesse la passion des voyages. Après avoir parcouru l'Italie, il fut pris par des corsaires, retenu comme esclave à Alger et racheté seulement au bout de trois ans. Il visita successivement la Flandre, la Hollande, le Danemark et la Suède. De là il se rendit en Laponie avec deux Français, Fercourt et Corberon. Tous trois s'avancèrent dans le Nord, gravirent la montagne de Métawara, et, ne pouvant aller au delà, ils laissèrent sur un rocher, d'autres dans une église, cette inscription composée par Regnard : Gallia nos genuit ; vidit nos Africa ; Gangem Hausimus, Europemque ocultis listravimus omnem ; Casibus et variis acti terraque marique, Sistimus hic tandem nobis ubi defuit orbis. « La France nous a donné naissance ; nous avons vu l'Afrique et bu les eaux du Gange ; nous avons parcouru l'Europe entière : après bien des aventures, nous nous sommes arrêtés ici, où la terre nous a manqué. » | |
Comme Claude Frollo avait parcouru dès sa jeunesse le cercle presque entier des connaissances humaines, positives, extérieures et licites, force lui fut, à moins de s'arrêter ubi defuit orbis, force lui fut d'aller plus loin et de chercher d'autres aliments à l'activité insatiable du génie humain. Victor HUGO Notre-Dame de Paris | |
Regnard était né voyageur. Il ne pensa à écrire des comédies qu'après avoir assisté, du Nord au Midi, à la comédie humaine, qui est partout la même comédie, sur la neige comme sur le sable brûlé, Le premier vers qu'il signa fut ce vers latin, qu'il grava sur un rocher en Laponie : Sistimus hic tandem nobis ubi defuit orbis. Arsène HOUSSAYE 41e fauteuil | |
Chaque être ne met de bornes à son ambition que parce qu'il en existe à ses facultés. Tous, l'homme compris, vont jusqu'où ils peuvent ; tous, parvenus au terme qui les arrête, écrivent, comme le poète, en accusant leur impuissance avec orgueil : Sistimus hic tandem nobis ubi defuit orbis. LACORDAIRE | |
Il existe dans l'église treize inscriptions dictées par ceux qui venaient se reposer dans ce temple lointain ; d'abord l'inscription si connue de Regnard, qui se termine par cette gasconnade : Sistimus hic tandem nobis ubi defuit orbis. Le bon Regnard aurait pu parcourir encore une assez jolie étendue de pays avant que la terre lui manquât. X. MARMIER Voyage en Laponie |
SIT TIBI TERRA LEVIS ! |
Que la terre te soit légère ! | |
Formule d'inscription tumulaire. On trouve dans l'Anthologie le vers suivant : Pro meritis, Pylades, sit tibi terra levis ! (Pour te récompenser, Pylade, que la terre te soit légère !) Tibulle a dit aussi : Terraque securae sit super ossa levis ! (Que sur ses os tranquilles la terre soit légère !) Louis-Gabriel Fardau, procureur au Châtelet, était affligé d'une corpulence énorme, et son nom de famulle avait déjà l'air d'une épigramme. Un de ses amis acheva de le désoler en faisant l'anagramme de ses trois noms, qui lui fournirent les terribles mots que voici : Il a l'air du boeuf gras. L'indigne ami ne s'en tint pas là et composa encore une épitaphe anticipée : Ci-git Fardau, parti pour le fleuve infernal ; Prions Dieu que la terre Lui rende le bien pour le mal, Qu'elle lui soit légère ! | |
Voici que vous creusez la fosse du poète, voici que vous répétez la seule phrase latine qu'aient jamais connue les littérateurs de l'Empire : Sit tibi terra levis ! Victor Hugo enterré dans ses drames ! Mais la chose est impossible ! Ce serait le jeune Macchabée enseveli sous son éléphant. Victor Hugo est plus fort que Macchabée ; il se dégagera de l'animal qui l'étouffe. Jules JANIN |
SI VIS ME FLERE DOLENDUM EST PRIMUM IPSI TIBI |
Si vous voulez que je pleure, commencez par pleurer vous-même (HORACE, Art poétique, v. 102). | |
C'est-à-dire : si vous voulez m'émouvoir, commencez par être ému vous-même. Ce n'est qu'en éprouvant vivement un sentiment qu'on parvient à le faire partager aux autres. Ce précepte d'Horace est dicté par la raison même. Il n'y a que l'âme qui puisse parlerà l'âme. Tous les grands maîtres ont donné ce précepte ; mais Cicéron et Quintilien l'ont développé avec beaucoup de force. « Il est difficile, dit Cicéron, d'exciter l'indignation de votre juge, s'il ne s'aperçoit pas que vous êtes réellement indigné ; de lui inspirer de la haine pour votre ennemi, s'il ne remarque pas en vous une haine valable ; de le remplir de commisération et de pitié si vos pensées, vos expressions, le son de votre voix, votre physionomie et vos larmes n'attestent pas votre douleur. Comme les matières les plus combustibles ont besoin d'étre approchées du feu pour s'embraser, ainsi les hommes les plus disposés à l'émotion ont besoin d'être enfflammés par l'orateur... »
Quintilien n'est ni moins vif, ni moins pressant. « Voulons-nous, dit-il, exciter les passions avec force, revêtons-nous, s'il faut ainsi dire, de l'intérieur de ceux qui souffrent véritablement. Soyons animés des mêmes mouvements, et que toujours notre discours parte d'une disposition de coeur telle que nous la voulons faire prendre aux autres. Pense-t-on, en effet, que l'auditeur puisse s'attrister d'une chose qu'il me verra lui raconter avec indifférence ; ou qu'il se mette en fureur lorsque moi qui l'y excite, je ne sens rien de semblable ; ou qu'il verse des larmes, quand je plaiderai devant lui avec des yeux secs ? Cela ne se peut : on n'est échauffé que par le feu... et nulle chose ne donne à une autre la couleur qu'elle n'a point elle-même. Il faut donc que ce qui doit faire impression sur nos auditeurs, en fasse premièrement sur nous, et que nous soyons touchés avant de songer à toucher les autres. » Boileau traduit ainsi la pensée d'Horace : | |
Le si vis me flere d'Horace n'est pas seulement applicable aux larmes, mais encore à ce sentiment passionné, l'amour, qui tourne aisément au niais, au chimérique ou à la grimace, et qu'il faut éprouver pour le bien peindre. DE PONTMARTIN | |
Ovide ne joue pas la mélancolie ; il ne grimace pas faute de savoir pleurer. Ces inconsolables faiseurs d'élégies, qui vivent au milieu des plaisirs, ces poètes abîmés de douleur après un bon repas au coin d'un bon feu, ne causent d'émotions à personne : Si vis me flere ! Mais Ovide est bien véritablement malheureux ; ce sont d'amères larmes qui sillonnent son visage d'homme. CUVILLIER-FLEURY | |
Si vous riez, je ris ; si vous pleurez, je pleure ; si vous êtes brutal, grossier, insolent, vous allumez la colère de mon coeur. C'est ce que dit Horace, qui en tire une leçon pour les poètes : Si vis me flere, dolendum est. Pierre LEROUX |
SI VIS PACEM, PARA BELLUM |
Si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre. | |
Cette maxime toute romaine est peu philosophique, et le bon abbé de Saint-Pierre ne l'aurait certainement pas prise pour épigraphe. Il est paradoxal de dire que les gros bataillons assurent la paix. Les peuples sont de grands enfants. Quand on a de si belles armes, il se trouve toujours des fous qui brûlent de les essayer. | |
La nouvelle politique doit répudier la devise barbare de l'ancienne : Si vis pacem, para bellum, et inscrire sur son étendard la devise chrétienne : Si vis pacem, para pacem. TOUSSENEL | |
Partout les armées ont attiré d'autant plus la guerre et les maux qui l'accompagnent, qu'elles ont été plus redoutables : il n'en est aucune qui ait préservé son pays d'une invasion. Le vieux proverbe, si vis pacem, para bellum, était bon chez les Anciens, où la force décidait tout ; il n'est plus chez les modernes l'expression de la vérité : de grands préparatifs de guerre mènent toujours à la guerre. J.-B. SAY | |
Nous avons conseillé au gouvernement français de ne pas désarmer pendant les négociations et de se souvenir d'un adage maintes fois cité depuis le commencement du conflit : Si vis pacem, para bellum. Cette conduite est d'autant plus prudente que l'armée autrichienne en Italie est complètement organisée. É. DE LA BÉDOLLIÈRE | |
La maxime romaine si vis pacem, para bellum, peut être entendue dans un sens raisonnable, mais elle devient très mensongère et produit en somme beaucoup plus de mal que de bien, par la mauvaise application qu'en font journellement des hommes intéressés à la guerre ou incapables de mesurer la portée réelle des paroles. M.-P. LARROQUE |
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