Lettre "O"
OA->OL   OM->OP
OQ->OS   OT->OV

[OA->OL]

O ALTITUDO !
O profondeur !
« O profondeur de la science, de la sagesse, de la richesse de Dieu ! »
Pour peu qu'on veuille réfléchir sur les opérations de son esprit, ses facultés, sa mémoire, on s'écrie, comme au sujet des plus hauts mystères du christianisme : O inexplicables, ô mystérieuses profondeurs ! o altitudo !
FRAYSSINOUS
Comment le roi de Prusse ne peut-il pas trouver la vie délicieuse ? Ne devrait-on pas désirer d'être éternel, quand on réunit tant de grands avantages et tant de différents bonheurs ? O altitudo !...
Mme du DEFFANT
A d'Alembert
On ne peut se faire une idée du mot liberté appliqué à la volonté ; il faut la considérer comme un mystère, s'écrier avec saint Paul : O altitudo ! convenir que la théologie seule peut discourir sur une pareille matière, et qu'un traité philosophique de la liberté ne serait qu'un traité des effets sans cause.
HELVÉTIUS

OCULOS HABENT ET NON VIDEBUNT
Ils ont des yeux, et ne verront point.
VOIR Manus habent, et non palpabunt.
Nous tâchons de nous instruire nous-mêmes, en interprétant les maîtres pour notre siècle, en évoquant avec d'autres chercheurs les vérités ensevelies sous leur suaire, et nous n'écrivons pas pour ceux qui ressemblent aux idoles dont le Psalmiste a dit : Oculos habent, et non videbunt ; aures habent, et non audient.
Amédée DE CÉSENA
Il y a des hommes véritablement aveugles qui ne voient rien par le coeur ni par la pensée, qui ne voient que des yeux du corps. Si vous leur dites que d'anciennes sociétés sont détruites, ils ne vous comprendront pas, et se riront de vous, parce qu'ils voient de tous côtés des champs cultivés, des maisons et des villes remplies d'hommes. Que dire à ces aveugles, sinon : Oculos habentes, non videtis.
P. LEROUX
Discours aux philosophes
Oculos habent, et non videbunt ; aures habent, et non audient, avait dit le Psalmiste. « Ils n'ont rien appris ni rien oublié » répétait, trois mille ans après, le grand martyr de la sainte alliance. En voyant ce qui se passe à Madrid, je me demande ce qu'ont à gagner les réactionnaires et absolutistes à provoquer si insolemment le débat public sur des objets qu'ils auraient intérêt, s'ils avaient pu rien apprendre depuis soixante et dix ans, à laisser dans un sanctuaire fermé à la discussion profane.
H. LAMARCHE
Une vérité a été formulée par le Siècle : c'est que les prétendus souverains légitimes ne doivent leur avènement qu'à l'usurpation, à la conquête, à la violence, ou à l'adhésion toujours révocable des peuples. Si la Gazette nie cela, elle nie l'histoire et elle est ensevelie en des ténèbres trop sépulcrales pour être dissipées par le faible rayon que nous pourrions y glisser : Oculos habent, et non videbunt.
É. DE LA BÉDOLLIÈRE

ODI PROFANUM VULGUS ET ARCEO
Je hais le vulgaire profane et je l'écarte (HORACE, liv. III, ode I, vers 1).
Horace a laissé peu de vers ; il mettait un soin extrême à les travailler. Peu jaloux des applaudissements de la foule, il se contentait des suffrages de quelques juges éclairés, et en général il se flattait de mépriser le jugement du vulgaire.
La Fontaine exprime le même sentiment dans ces deux vers :
Que j'ai toujours haï les pensers du vulgaire !
Qu'il me semble profane, injuste, téméraire !
On reproche à Horace son Odi profanum vulgus. Pour toucher les hommes, dit-on, il faut consentir à parler leur langage. Je conviens que le ton de nos héros tragiques n'est pas toujours le plus propre à remuer la passion, mais est-on plus sûr de trouver le chemin du coeur par des rédactions plates que par des rédactions ampoulées ?
DUNOYER
Revue de Paris
A I'égard de la copie de la lettre que je vous envoyai il y a un mois, c'était uniquement pour vous amuser, vous et deux ou trois honnêtes gens ; avez-vous pu penser un moment que les augustes mystères soient faits pour les profanes ? Odi profanum vulgus.
VOLTAIRE
Prenez par le bec un petit oiseau bien gras, saupoudrez-le d'un peu de sel, ôtez-en le gésier, enfoncez-le adroitement dans votre bouche, mordez et tranchez tout près de vos doigts et mâchez vivement : il en résultera un suc assez abondant pour envelopper tout l'organe, et vous goûterez un plaisir inconnu au vulgaire : Odi profanum vulgus et arceo.
BRILLAT-SAVARIN
J'écrivis il y a quelque temps à M. le garde des sceaux et à M. le lieutenant de police de Paris pour supprimer toutes les éditions étrangères de la Henriade, et surtout celle où l'on trouverait cette misérable critique dont vous me parlez dans vos lettres. L'auteur est un réfugié connu à Londres et qui ne se cache pas de l'avoir écrite. Il n'y a que Paris au monde où I'on puisse me soupçonner de cette guenille ; mais odi profanum vulgus et arceo ; et les sots jugements et les folles opinions du vulgaire ne rendront pas malheureux un homme qui a appris à supporter des malheurs réels ; et qui méprise les grands, peut bien mépriser les sots.
VOLTAIRE
Les chefs de l'école poétique actuelle, qui auraient, plus que personne, intérêt à recueillir les utiles indications de la foule, rejettent par système tout avis venant de la foule, et se piquent, à la façon des conquérants, de ne suivre d'autre étoile que celle de leur génie : Odi profanum vulgus et arceo est leur devise.
Ch. MAGIN
Reveue des Deux-Mondes

O ET PRAESIDIUM ET DULCE DECUS MEUM !
Toi mon appui, toi mon honneur ! (HORACE, liv. I, ode I, vers 2)
Cette ode est adressée par le poète à Mécène, son protecteur, son ami. Il serait trop long de citer tous les vers où la muse d'Horace est l'interprète de son affection ; l'attachement de Mécène n'était pas moins profond. A ses derniers moments, il recommanda vivement son ami à Auguste : « Souvenez-vous d'Horace comme de moi-même. » Mais Horace ne lui survécut que quelques jours. Ainsi s'accomplit cette touchante promesse qu'il lui avait faite pendant une maladie qui alarmait sa tendresse : « Le même jour nous verra mourir tous les deux. Ce n'est pas un vain serment que je fais : nous partirons ensemble pour le dernier voyage. »
Quoi qu'il en soit, mon cher ami, o et praesidium et dulce decus meum ! j'attends avec impatience le recueil proscrit que vous m'annoncez du bel esprit genevois.
D'ALEMBERT
Lettre à Voltaire
J'écrirai à votre aimable favori, M. de Keyserling ; je remplirai tous les devoirs de mon coeur ; je suis à vos pieds, grand prince, o et praesidium et dulce decus meum !
VOLTAIRE
Lettre à Frédéric

O FORTUNATAM NATAM ME CONSULE ROMAM !
O Rome fortunée, sous mon consulat née !
Vers ridicule attribué à Cicéron, et dont la traduction, due à Martignac, reproduit exactement la beauté. « Il aurait pu mépriser les poignards d'Antoine, s'il avait toujours parlé ainsi », dit très judicieusement Juvénal, saitre II. C'est vrai, mais sa prose valait un peu mieux que ses vers. On n'est pas universel, témoin Malebranche, qui, mis en demeure de faire deux vers, produisit ce chef-d'oeuvre :
Il faisait ce jour-là le plus beau temps du monde,
Pour aller à cheval sur la terre et sur l'onde
.
Quoi qu'il en soit, Cicéron avait eu dès sa jeunesse le renom de grand poète ; il le conserva jusqu'à sa mort ; les contemporains admiraient, les amis avaient des transports, et Cicéron lui-même, en écrivant les Lois, Cicéron, à cinquante-cinq ans, contemplait d'un oeil plus que paternel ces enfants de sa jeunesse.
Si Juvénal avait pu connaître les oeuvres de nos prosateurs rimants ou non rimants, il aurait prodigué les trésors de son indulgence au vers cacophonique de Cicéron : O fortunatam natam me consule Romam !
CASTIL-BLAZE

O FORTUNATOS NIMIUM, SUA SI BONA NORINT !
Trop heureux s'ils connaissaient leur bonheur ! (VIRGILE, Géorgiques, liv. II, vers 458)
« Trop heureux l'habitant des campagnes s'il savait apprécier son bonheur ! Loin des discordes, loin des combats, la terre lui prodigue une nourriture facile. » Ce passage paraît avoir inspiré à Pibrac un de ses meilleurs quatrains :
O bienheureux celui qui, loin des courtisans,
Et des palais dorés, pleins de soucis cuisants,
Sous quelque pauvre toit, délivré de l'envie,
Jouit des doux plaisirs de la rustique vie !
Allez au premier chapitre de ce livre ; l'auteur, qui commence par le commencement, s'occupe d'abord de l'agriculture : c'est une véritable Maison rustique des siècles passés. C'est une véritable histoire du laboureur dans ce royaume de France ; seulement, après avoir étudié à fond ce savant chapitre, on n'est pas tenté de s'écrier avec le poète : O fortunatos nimium !
J. JANIN
Aux yeux du philosophe, la république des abeilles n'est pas moins intéressante que l'histoire des grands empires, et ce n'est peut-être que dans les petits États qu'on peut trouver le modèle d'une parfaite administration politique : O fortunatos nimium, sua si bona norint !
D'ALEMBERT
- Des voleurs ! s'écria Triptolème, il n'y en a pas plus dans ce pays qu'il n'y a d'agneaux à Noël ; je vous l'ai dit cent fois, Baby, il n'y a pas ici de montagnards pour venir nous tourmenter ; c'est une terre de tranquillité et d'honnêteté : O fortunatos nimium !
Walter SCOTT
Le Pirate
O fortunatos nimium, sua si bona norint ! Agricolas ! Heureux les cultivateurs s'ils connaissaient leur félicité ! Heureux l'homme des champs si, comme le poète et l'artiste, il savait jouir des merveilles que la nature étale sous ses yeux !... Heureux l'homme des champs s'il était tout ensemble Corydon et Virgile ! Mais il n'est que Corydon.
H. RIGAULT
Conversations littéraires et morales

OA->OL   OM->OP   OQ->OS   OT->OV

HAUT DE PAGE ]