Lettre "A"
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[AE]

AEQUAM MEMENTO SERVARE MENTEM
Souvenez-vous de conserver une âme toujours égale.
Horace (liv. II, ode III, v. 1) recommande non seulement cette égalité d'âme qui donne la constance dans le malheur, mais encore celle que la prospérité n'altère pas.
AEquam memento rebus in arduis
Servare mentem, non secus in bonis
Ab insolenti temperatam
Laetitia, moriture Delli !

« Souviens-toi de garder dans les revers une âme toujours égale, et dans la prospérité ne t'enivre pas d'un fol orgueil, ô Dellius, toi qui dois mourir ! »
Vous avez trop de bon sens pour faire attention à ce que dit un semblable écervelé. Souvenez-vous de notre ami Horace : AEquam servare mentem. J'aurai soin de faire une bonne mercuriale à Hector et de le rappeler à l'ordre.
Walter SCOTT
L'Antiquaire

AEQUO PULSAT PEDE...
La mort frappe d'un pied indifférent...
Horace (liv. 1, ode IV, v. 13) invite son ami Sestius à jouir de l'heure présente.
« La vie est courte, lui dit-il, et la mort frappe d'un pied indifférent à la chaumière du pauvre et au palais des rois » Cette pensée a été exprimée par un grand nombre de nos poètes :
Le pauvre en sa cabane où le chaume le couvre
Est sujet à ses lois,
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend par nos rois
.
(MALHERBE)

Tout doit franchir ce terrible passage :
Le riche et l'indigent, le prudent et le sage,
Sujets à même loi, subissent même sort
.
(J.-B. ROUSSEAU)

Les lois de la mort sont fatales
Aussi bien aux maisons royales
Qu'aux taudis couverts de roseaux.
Tous nos jours sont sujets aux Parques :
Ceux des bergers et des monarques
Sont coupés des mêmes ciseaux
.
(RACAN)

Et le riche et le pauvre, et le faible et le fort,
Vont tous également de la vie à la mort
.
(VOLTAIRE)

La mort, qui n'entend point à calculer les ans,
Coupe les cheveux blonds aussi bien que les blancs
.
(Le P. LEMOINE)

Nous avions craint d'abord en ouvrant le livre et en lisant au-dessus du titre cette sentence lugubre :
Pallida mors aequo pulsat pede pauperum tabernas
Regumque turres ;

Nous avions craint, disons-nous, de ne trouver dans ces pages qu'une nomenclature funèbre, plus propre à attrister l'âme qu'à la réjouir.
Walter SCOTT

AERE PERENNIUS
Plus durable que l'airain.
Horace (liv. III, ode XXIV, v. 1), avec la confiance que donne le génie, a dit, en parlant de ses vers : « J'ai achevé un monument plus durable que l'airain, exegi monumentum aere perennius. » (V. Exegi monumentum)
Lebrun, qui pourrait bien s'être trompé, a dit en parlant de son recueil d'odes :
Il brave ces tyrans avides,
Plus hardi que les pyramides
Et plus durable que l'airain.

L'aere perennius d'Horace a sans doute inspiré à La Fontaine le dernier de ces vers, plein de force et de noblesse :
Ceci s'adresse à vous, esprits du dernier ordre,
Qui, n'étant bons à rien, cherchez surtout à mordre ;
Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages
Sur tant de beaux ouvrages ?
Ils sont pour vous d'airain, d'acier, de diamant.

Le Serpent et la Lime

Dieu me préserve d'avoir des préjugés contre un ouvrage qui produit un revenu de trente mille livres par an ! Je le compte, au contraire, avec la Gazette de France et les feuilles de Fréron, au nombre des plus utiles productions, et je vous l'indique comme un monument aere perennius.
GRIMM
Correspondance littéraire
L'auteur des belles strophes sur le supplice de Régulus, celui qui a buriné l'impassible figure de l'homme juste debout sur les débris du monde, qui a dit qu'on doit craindre la honte plus que la mort, n'était pas de ceux qui manquent de courage ; mais la patrie, quoiqu'il soit doux et beau de mourir pour elle, il l'a dit lui-même, devait plus gagner à sa vie qu'à son trépas. Il le sentait et il a bien fait de vivre pour fonder son monument aere perennius.
H. LUCAS
Comme le caprice d'un roi ne saurait communiquer au bois vermoulu le privilège de l'aere perennius d'Horace, il fallait bien de temps à autre, sous peine de naufrage, radouber la carène, à bout de patience, du gothique édifice (il s'agit d'un vieux carosse de voyage appartenant au roi de Prusse, Frédéric, et qu'il ne voulait pas laisser réparer).
Eugène PELLETAN

AES TRIPLEX
Triple airain.
Horace (liv. Ier, ode III, v. 9) parle de l'audace du premier navigateur :
Illi robur et aes triplex
Cirea pectus erat, qui fragilem truci
Commisit pelago ratem
Primus...

« Un triple chêne, un triple airain couvrait le coeur de celui qui, le premier, confia aux flots redoutables une barque fragile. »

Pellisson, dans ses stances sur l'Origine de la poste, adressées à Ménage, a parodié plaisamment les vers d'Horace :
Que ce fut d'un rude vilain
Que la poste eut son origine !
Il avait trois plaques d'airain,
Mais autre part qu'à la poitrine.

L'abbé Desfontaines, dans ses Feuilles littéraires, reprochait sans cesse à Piron la dureté de ses vers et le désignait souvent par oes triplex. Piron répliqua par l'épigramme suivante :
Pour dire à ma muse une injure,
Faible et téméraire écrivain,
Je vois d'ici quelle aventure
T'offrit ces deux mots : Triple airain.
Tu les cherchas longtemps en vain,
Tant que, suant à grosse goutte,
Tu t'essuyas le front, sans doute,
Et les trouvas là sous ta main.

Le pauvre tulipier avait plus d'aes triplex autour du coeur qu'Horace n'en attribue au navigateur qui, le premier, visita les infâmes écueils acrocérauniens.
Alexandre DUMAS
La Tulipe noire
Je suis, à l'égard de la musique, à peu près comme l'homme d'Horace : Illi robur et aes circa pectus erat. Ce qui veut dire, en français, que les prouesses des pianistes ont peu de prise sur un vétéran qui a donné sa démission et ne sert plus dans leur régiment. Je connais leurs ruses de guerre ; il faut une batterie bien forte et bien servie pour me terrasser.
Revue de Paris
Monsieur Paturot, ajouta-t-il avec des yeux enflammés de colère, permettez-moi, en terminant, de vous mettre en présence de votre conscience, si tant est que cet organe n'ait pas été détérioré chez vous par une longue inactivité, s'il n'est pas dans la situation dont parle Horace : Illi robur et aes triplex ? c'est-à-dire cuirassé d'un triple molleton...
L. REYBAUD
Jérôme Paturot
Si l'auteur du discours prononcé à l'Académie le 10 mars 1760, n'a pas prévu l'opinion qu'il a donnée de lui à beaucoup d'honnêtes gens, il est bien aveugle ; mais s'il l'a prévu, illi robur et aes triplex.
VOLTAIRE
Le jansénisme soutient, sans rougir ni trembler, qu'il est membre de cette Église qui l'anathématise. Jusqu'à présent, pour savoir si un homme appartient à une société quelconque, on s'adresse à cette même société, et dès qu'elle a dit : il ne m'appartient pas, tout est dit. Le jansénisme seul prétend échapper à cette loi : Illi robur et aes triplex circa frontem. Il a l'incroyable prétention d'être de l'Église catholique malgré l'Église catholique.
Joseph de MAISTRE
A cet élégant flambard d'eau douce (le canotier) il ne manque, pour faire peur à l'Anglais, que les aiguillettes et le poignard du lieutenant de vaisseau. Tous sont affublés de fantastiques sobriquets, tels que l'Araignée, l'Écureuil, Grain-de-Sel, Fil-de-Fer, Goliath, etc. Ils aiment à se donner une nationalité factice : les uns arborent le pavillon américain, les autres le pavillon anglais, ceux-ci le pavillon grec, ceux-là consentent à rester Français. Même manoeuvre qu'à bord des navires de guerre : le commandement se fait au sifflet, il y a un porte-voix pour le capitaine. En un mot ils se prennent tout à fait au sérieux. On écrirait des volumes avec toutes les plaisanteries qu'on a faites et qu'on fera sur leur compte; mais elles n'ont aucune prise sur leur superbe dédain : Illi robur et aes triplex.
W. DUCKETT

AETERNUM VALE !
Adieu pour l'éternité !
Ovide met ces mots dans la bouche d'Orphée: c'est l'adieu déchirant du malheureux époux au moment où il perd pour la seconde fois sa chère Eurydice : Supremumque vale ! « Adieu pour la dernière fois ! »
Employé seul, vale est une formule de salutation qui signifie adieu, et, littéralement, portez-vous bien.
Ce sinistre philosophe avait raison ; il nous quitta avec un sourire et je lui cachai une larme qui lui aurait fait du mal. Adieu, nous dit-il, et pour longtemps : aeternum vale !
Laurent PICHAT

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